Lise est partie le 18 août pour Ann Harbor, l'Université du Michigan. Dans ses bagages, toute sa garde-robe, dont la fameuse doudoune en plume d'oie censée assurer sa survie cet hiver. Cela dit, pour l'heure, quand elle met des ballerines, elle jure parmi les tapis de tongs des amphis.
Elise s'envole le... euh, vers le 20, si elle se décide. Elle appréhende son départ plus que tout. Une fois sur place, elle adorera, j'en suis sûre. Mais pour l'heure, elle a bati une muraille anti-Dublin entre ses oreilles, qui commence tout juste à se fissurer.
Quant à moi... Je débarque à Madrid le 20, 4 jours avant le début de mon stage à l'Institut Français, un organisme chargé de promouvoir la culture française à l'étranger. Bérénice travaillera aussi pour un Institut Français, mais à Budapest. Elle a paniqué quelques jours avant son départ. Pourtant, elle s'extasie un peu plus chaque jour. A chacune son aventure : une langue complètement inconnue (le hongrois, szegény), un autre continent, une culture plutôt hostile a priori.
Grâce au site segundamano.es (donné par Anthony, merci encore), j'ai trouvé ma colocation. Ce ne fut pas si évident. Tous les jours, aller sur le site, sélectionner les annonces pas douteuses, éviter les :
- on n'a pas la télé et on ne la veut pas, et puis personne qui n'invite des amis ou fait la fête
- homme qui cherche une colocatRICE
- couple loue une chambre, sans droit d'accès au salon...
- 2 garçons (et mes sous-vêtements, je les fais sécher où ? Dans un bunker ?)
- je cultive ma marijuana
Au final, ça traînait, c'était bizarre ou loin du centre... Quand soudain, le miracle : un duplex en plein centre, avec 3 filles. Je me jette dessus, réponds immédiatement à chaque mail, et je le décroche. Claudia, Elena et ??? sont donc mes colocatrices pour les 9 mois à venir. Aurais-je la grande chambre, avec le lit double ? Ou la petite, pas du tout adaptée aux centaines de visites que j'espère recevoir ? Dois-je amener un fer à repasser ? Un supermarché à côté ? Certaines questions restent en suspens, il faut bien y avoir des surprises une fois sur place. Je me prépare toutefois du mieux que je peux, c'est-à-dire à grand renfort de guides et plans en tout genre. Je connais déjà pratiquement le chemin à emprunter pour me rendre de l'appartement à mon stage. Car oui, je peux y aller à pieds !
En attendant, je vois beaucoup mes amis, et rien qu'en l'écrivant, mon ventre se serre et mes pieds se crispent. Ils vont énormément me manquer. Evidemment, je n'ai pas le temps de tous les revoir, vu que je passe mes après-midi à cavaler entre la pharmacie pour faire des provisions de médicaments, l'opticien pour ne pas être à cours de lentilles et Sciences-po qui ne se presse pas pour finaliser ma convention. J'aurais dû mettre à profit toutes ces heures de métro pour réviser mes conjugaisons espagnoles, mais hum, j'ai estimé que les centaines de mails que j'ai envoyés auront été des révisions suffisantes. Je regretterai sans doute quand je bégaierai bêtement un "tengo... quiero... Si !" dans la cuisine.
Mais dans 48h, tout sera oublié, je serai sans doute en train de défaire mes valises avec ma mère. J'espère avoir internet là-bas, apparemment elles piquent le wifi à un parc voisin, pourvu que ça fonctionne bien.
Travailler, vivre avec 3 filles, parler espagnol. Dans deux jours, je suis lancée. Enfin ! Ca me panique, m'excite, me donne chaud, puis froid, électrise mes nerfs et torture mon estomac.